Accueil

Bruno Retailleau au Figaro : « Avec ma proposition de loi, je veux être un lanceur d’alerte contre le communautarisme »

Le Figaro dévoile la proposition de loi déposée ce vendredi matin par Bruno Retailleau, le président du groupe Les Républicains au Sénat. À cinq mois des municipales, cette proposition vise « à assurer le respect des valeurs de la République face aux menaces communautaristes ». Dans son bureau, face à une Constitution qu’il a consultée sans relâche ces dernières semaines, le sénateur assure qu’il ne s’agit en rien « d’une manœuvre contre le gouvernement mais d’une urgence contre le communautarisme qui menace la République ».

Vous êtes invité à échanger avec le ministre de l’Intérieur sur le communautarisme mardi prochain. Que comptez-vous lui dire ?

J’ai reçu un SMS, il y a quelques jours, me proposant une rencontre de travail. J’en ai accepté le principe. Avec Xavier Bertrand, nous avons décidé de participer à cette réunion prévue sur un format resserré. Ce sujet concerne les Républicains des deux rives, droite et gauche. Car jusqu’ici, la République a beaucoup trop composé. Il faut agir avant qu’elle ne se décompose.

Cela augure-t-il la coécriture d’un texte ?

Ces dernières semaines, cette question a émergé dans les discours de plusieurs ministres dont Gérald Darmanin ou Sébastien Lecornu. De son côté, Xavier Bertrand a alerté sur le risque de listes communautaristes. Moi, je suis législateur, j’ai beaucoup travaillé avec des juristes sur cette proposition de loi. Je la déposerai vendredi matin.

Transparence financière des partis politiques, code électoral et code général des collectivités territoriales : vous proposez de modifier des articles précis sur trois textes. Dans quel but ?

Combattre le communautarisme. J’ai puisé la définition de ce communautarisme aux sources de la Constitution et des grands principes constitutionnels. Notre premier objectif est d’interdire le financement des partis politiques à visée communautariste. Ensuite, concernant les candidatures à une élection et les documents de propagande électorale qui comporteraient un caractère communautariste, nous voulons donner aux préfets la possibilité de les interdire, sous le regard du juge de l’élection. Enfin, dans l’exercice de leur mandat, les élus doivent être tenus au principe de la neutralité, qu’ils doivent respecter en tant qu’officiers d’état civil, notamment lorsqu’ils siègent au sein de leur assemblée. C’est la même neutralité qui s’applique à eux lorsqu’ils célèbrent un mariage en mairie, et je ne vois pas au nom de quoi cette règle serait à géométrie variable.

Le parti UDMF (Union des musulmans de France), qui s’est présenté aux dernières européennes, affirme militer pour l’unité française et la laïcité. Est-il un parti communautaire ?

Il existe un certain nombre d’exemples dans les discours parfois prononcés en France, notamment par le parti Égalité et Justice. Mais il ne m’appartient pas de me prononcer sur des cas particuliers. En tant que législateur, je dépose un texte qui a vocation à devenir une loi. Et le travail de la loi n’est pas d’envisager du cas par cas mais de rappeler les principes. Je m’en tiens là. Aux préfets et aux juges ensuite de caractériser les situations de communautarisme. Notre texte fixe des limites et donnera des outils. Il vaut mieux prévenir que guérir car lorsque nous aurons des listes communautaristes élues, il sera trop tard. La révocation d’un maire est hautement plus délicate que l’interdiction d’un candidat.

Jusqu’ici, les listes communautaires n’ont jamais réussi à percer réellement, quelle est, selon vous, la définition du parti communautariste ?

Ce ne sont pas les termes de « musulmans », « chrétiens », « bouddhistes » ou « juifs » qui permettent de caractériser le communautarisme. Ce qui est communautariste, ce sont les programmes et les propos qui visent à soutenir et à défendre les revendications d’une « section du peuple », fondée sur l’origine éthique et l’appartenance religieuse. C’est un parti qui ne respecte pas les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie, en contradiction avec l’article 4 de la Constitution. La souveraineté nationale appartient en effet au peuple et à ses représentants, mais aucune section du peuple ne peut s’en attribuer l’exercice. La Constitution impose également aux partis de respecter la laïcité : en 2006, le Conseil constitutionnel avait défini ce qu’est l’identité constitutionnelle de la France en prenant justement la laïcité comme exemple. Soit la République a encore la force de défendre ces principes républicains pour les Français, soit elle abdique. Mais je constate qu’en France, le parti du renoncement progresse chaque jour. Ne nous y trompons pas : une épreuve de force est engagée. Pas contre l’ensemble de nos compatriotes musulmans bien sûr, mais contre l’islam politique qui tente, méticuleusement, d’affaiblir la République pour créer une contre-société à visée séparatiste et antirépublicaine. Cet islam politique place la charia au-dessus de la loi civile. L’objectif du communautarisme, c’est la sécession ou la soumission. Beaucoup de nos concitoyens musulmans en ont assez d’être amalgamés à cet islam fondamentaliste qui s’est dévoyé dans une idéologie totalitaire. Nous devons avoir du courage. Et ce d’autant plus que dans une France fracturée, la laïcité est le seul sujet qui rassemble trois Français sur quatre. Mon rôle, avec ma proposition de loi, c’est d’être un lanceur d’alerte contre le communautarisme. Il faut arrêter de reculer.

Emmanuel Macron peut-il adhérer à une telle approche ?

Je n’en sais rien, car il doit sortir de l’ambiguïté. Il est soumis à deux difficultés, deux obstacles : d’abord sa majorité, qui est très loin d’être unie sur ces questions, et puis son logiciel. À Marseille, quand le candidat Macron s’adresse aux Français en fonction de leur origine, il flatte clairement le communautarisme. Une fois président, devant le Congrès américain, il fait aussi un éloge vibrant du multiculturalisme. Tout cela donne l’impression qu’il est séduit par le modèle anglosaxon, qui est celui de l’« archipelisation ». Mais je mets en garde Emmanuel Macron : le modèle multiculturel, c’est l’inverse du modèle laïc républicain. La politique, ce ne peut pas être seulement l’émancipation d’un individu détaché de tout destin collectif. La politique, c’est d’abord la construction d’un cadre commun qui nous rassemble. C’est pourquoi la question de la laïcité, c’est aussi celle du communautarisme islamiste qui catégorise les citoyens en fonction de leur religion ou de leur sexe. La fraternité française, ce n’est pas la fraternité religieuse, c’est la fraternité civique. Devant les tensions qui s’accumulent, il est grand temps que le président de la République tienne un discours de clarté aux Français.

>> Lire l’interview sur LeFigaro.fr